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Réforme des actions de groupe : ce que change la loi du 30 avril 2025

Réforme des actions de groupe : ce que change la loi du 30 avril 2025
Date de publication
26 juin 2025

La loi DDADUE 5 du 30 avril 2025 (ci-après, la « loi du 30 avril 2025 ») transpose la directive 2020/1828 relative aux actions représentatives et réforme le régime des actions de groupe. Ce nouveau régime est applicable aux actions de groupe introduites à compter du 2 mai 2025.

Il existait jusqu’à cette date cinq régimes différents d’actions de groupe applicables en matière de consommation, concurrence, santé, discrimination, données personnelles et d’environnement.

Ces régimes ont chacun leurs spécificités quant aux organismes pouvant intenter l’action de groupe, aux préjudices indemnisables et aux manquements pouvant être reprochés au défendeur. Depuis l’instauration des actions de groupe en France il y a dix ans, près de quarante actions de groupe ont été intentées et deux actions ont donné lieu à un jugement de responsabilité en premiére instance.

Après plusieurs propositions abandonnées, le gouvernement a déposé un projet de loi en octobre 2024 visant à transposer plusieurs directives européennes dont la directive 2020/1828 relative aux actions représentatives. A la suite d’une commission mixte paritaire, ce texte a été adopté par les parlementaires au début du mois d’avril 2025 puis déclaré conforme à la constitution le 29 avril 2025, à la suite d’une saisine du Conseil constitutionnel sur une disposition sans lien avec les actions de groupe.

Aux termes de la loi du 30 avril 2025, l’action de groupe est désormais harmonisée et bénéficie d’un régime unique comportant plusieurs innovations, telle que l’amende civile, qui ne sont pas sans poser certaines difficultés.

Cette réforme est ainsi porteuse de plusieurs changements et simplifications qui pourraient conduire à un accroissement des actions de groupe intentées devant les juridictions françaises, bien que d’autres Etats membres disposent toujours de régimes beaucoup plus libéraux en la matière.

Un régime de l’action de groupe unifié

La loi du 30 avril 2025 harmonise le champ matériel de l’action de groupe. En lieu et place des cinq régimes instaurés depuis 2014, la nouvelle loi crée des règles communes à toutes les actions de groupe permettant au demandeur à l’action de solliciter la cessation de tout manquement du professionnel et/ou la réparation de tous les préjudices subis par les consommateurs placés dans une situation similaire.

Ainsi, tout manquement d’un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles pourra donner lieu à une action de groupe, sauf en matière de santé publique où l’action ne sera possible qu’en cas de manquement d’un producteur ou fournisseur de produits de santé.

Des tribunaux judiciaires spécialisés connaîtront des actions de groupe et les actions manifestement infondées pourront être rejetées dès l’introduction de l’instance.

Une action ouverte à un plus grand nombre de demandeurs

Aux termes de la loi du 30 avril 2025, l’action de groupe reste la prérogative des associations agréées, qui pourront néanmoins être beaucoup plus nombreuses que, par exemple, les 14 associations actuellement autorisées à intenter des actions de groupe en matière de consommation.

La réforme définit des conditions d’indépendance et de transparence afin qu’une association puisse demander à être agréée pour intenter des actions de groupe. Ces conditions sont une reprise des critères définis par l’article 4 de la directive 2020/1828 relatif aux « entités qualifiées » pouvant intenter une action représentative pour le compte de consommateurs.

L’action de groupe est également ouverte dans des conditions plus restrictives aux associations régulièrement déclarées mais non agréées, syndicats représentatifs et au ministère public :

  • Les associations régulièrement déclarées mais non-agréées, qui justifient de vingt-quatre mois d’activité effective et publique et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, pourront intenter des actions en cessation de manquement (mais pas en réparation du dommage ce qui pourrait limiter l’intérêt de cette nouvelle disposition) ;
  • Comme sous les anciens régimes, les syndicats représentatifs pourront intenter des actions en matière de lutte contre les discriminations et de protection des données personnelles ;
  • Le ministère public pourra également exercer, en qualité de partie principale, l’action de groupe en cessation du manquement ou se joindre à une action de groupe.

Il est également prévu que les « entités qualifiées » d’autres Etats membres de l’Union Européenne, telles que définies par la directive 2020/1828 et les mesures de transposition de chacun de ces Etats, puissent intenter des actions de groupe en France.

Les demandeurs à l’action de groupe devront désormais informer le public des actions de groupe engagées et de l’état d’avancement des procédures. Un registre public des actions de groupe en cours sera également tenu et publié par le ministère de la Justice.

Ces demandeurs ne devront pas être en situation de conflit d’intérêts, le juge pouvant, le cas échéant, leur enjoindre de produire les pièces justifiant de leur absence de conflits d’intérêts. Le financement des litiges par des tiers (third party litigation financing) sera possible, mais encadré par décret, étant d’ores et déjà précisé que le financeur ne pourra influer sur les personnes initiant l’action de groupe.

Des innovations qui soulèvent de nombreuses questions

L’action de groupe pourra désormais être intentée pour le compte de personnes morales, ce qui permettra des actions de groupe dites « B to B ». Cette innovation pourrait rendre l’action de groupe beaucoup plus attractive qu’elle ne l’était jusqu’alors, notamment dans le cadre de litiges en matière de droit de la concurrence ou de contentieux boursier et financier.

Cette innovation pose néanmoins des difficultés dans la mesure où il s’agit d’une « surtransposition » de la directive 2020/1828 : est-ce-que des « entités qualifiées » françaises pourront intenter des actions de groupe transfrontalières au bénéfice de personnes morales situées dans d’autres Etats membres de l’Union européenne ?

Une autre innovation majeure de ce nouveau régime réside dans l’instauration d’une sanction civile par l’introduction d’un nouvel l’article 1254 au sein du Code civil. Cette sanction, applicable aux actions dont le fait générateur de la responsabilité est postérieur à la loi du 30 avril 2025, est soumise à une double condition probatoire :

  • L’auteur du dommage doit avoir délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue ; et
  • Le manquement constaté doit avoir causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.

Les conditions d’octroi de cette sanction sont rigoureusement définies par la loi : seule une demande émanant du parquet ou du gouvernement pourra être prise en considération et son prononcé devra faire l’objet d’une décision spécialement motivée du juge saisi.

En outre, le montant de la sanction sera proportionné à la gravité de la faute et ne pourra excéder le double du profit retiré pour les personnes physiques et le quintuple du profit retiré pour les personnes morales. Le produit sera ensuite affecté à un fonds consacré au financement des actions de groupe.

Notons que les termes du nouvel article 1254 du Code civil n’apparaissent pas limités à l’action de groupe. Cette sanction devrait donc être également applicable à d’autres actions si les conditions définies par cette nouvelle disposition sont réunies (une faute commise délibérément en vue d’obtenir un gain ou une économie et un dommage à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire).

Enfin, la nouvelle loi souffre de certaines inexactitudes rédactionnelles – par exemple, alors que pour l’action en cessation, il est précisé que « les mesures de publicité ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que l’ordonnance n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation », une telle disposition n’est pas reprise pour les actions en indemnisation.

En pratique, ce décalage pourrait permettre de solliciter des mesures de publicité à l’issue de la décision de première instance en indemnisation, même si le défendeur en interjette appel. Compte tenu des incertitudes qu’une telle solution génère, il serait opportun que le législateur corrige cette différence entre les régimes applicables aux actions en cessation du manquement et aux actions en indemnisation. Dans cette attente, le défendeur à l’action de groupe devra veiller à solliciter du juge de première instance qu’il écarte l’exécution provisoire dans sa décision ou saisir la juridiction d’appel pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision de première instance.

Autant de questions qui devront être tranchées par les juridictions spécialisées amenées à connaitre de ces nouvelles actions de groupe.

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